Etude Scientifique
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L’avis du Psy #8 : Réalité virtuelle et thérapie non médicamenteuse : l’exemple de la thérapie AVATAR 🪞

🕵️ Aujourd’hui, les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont les médiations thérapeutiques les plus recommandées dans les problématiques anxieuses (Otte, 2011). C’est une thérapie qui porte sur les interactions entre les pensées, émotions et comportements de l’individu devant une situation problème. L’habituation est ainsi le concept recherché via l’exposition en confrontant le patient à un stimulus cible jusqu’à extinction. A ce jour, deux techniques d’expositions sont utilisés : in vivo (dans la vraie vie) et imaginaire (imaginer la scène). L’utilisation de cette approche comporte quelques limites notables : l’exposition n’est pas toujours aisée (e.g. acrophobie). Dans le cadre d’une exposition in vivo, la question du secret professionnel se pose. Enfin, le vieillissement cognitif normal entraine une détérioration des fonctions cognitives telles que la mémoire de travail (Satre et al., 2006) qui est impliquée dans la création d’images mentales (Baddeley et Andrade, 2000). 

La réalité virtuelle apporte une solution à ces problèmes avec la thérapie par exposition en réalité virtuelle (TERV). Elle est d’une certaine manière considérée comme la quatrième vague des TCC en utilisant le même type de protocole. En psychologie, son application est vraiment diffuse, les études sont essentiellement basées sur l’approche à cas unique (Krijn et al., 2004). Ici, nous prendrons l’exemple, de l’utilisation de la réalité virtuelle dans le champ psychiatrique avec les hallucinations auditivo-verbales dans le cadre de la schizophrénie. 

La schizophrénie touche environ 1% de la population et débute chez l’adolescent ou chez le jeune adulte avant ses 30 ans (Georgieff, 2021). Elle progresse de manière chronique venant perturber la sphère sociale, familiale ou encore professionnelle, c’est un trouble psychiatrique représentant aujourd’hui un véritable enjeu socio-économique. Parmi les différents symptômes, les patients atteints de schizophrénie peuvent souffrir d’hallucinations auditivo-verbales (HAV). Elles représentent l’un des principaux symptômes de la pathologie en touchant 50 à 80% des patients (Bentaleb, Stip et Beauregard, 2006). Malgré, sa forte fréquence, les caractéristiques phénoménologiques des HAV sont marquées par une très forte variabilité inter-individuelle notamment au niveau de la « fréquence », la « durée », la « complexité du message », le « nombre de voix perçues » ou encore leurs « conséquences sur le patient » (Stéphane et al., 2003). Les études suggèrent que les HAV correspondent plus à des voix entendues qu’à des pensées internes avec une qualité acoustique définie, fréquente et aux contenus majoritairement négatifs (Rapin, 2011). Le patient atteint de schizophrénie aura tendance à personnifier la voix (imaginer à quoi elle ressemble), lui donner un nom en partant de quelque chose de familier ou au contraire quelque chose de plus surnaturel (Nayani et Davin, 1996). Même si l’efficacité des neuroleptiques concernant le traitement des épisodes psychotiques fait consensus, il est estimé que 25 à 50% des personnes souffrant d’une schizophrénie continuent à avoir des symptômes (Kane et Marder, 1993). 

La thérapie AVATAR développée par le docteur Alexandre Dumais et le docteur Stéphane Potvin, est une thérapie non-médicamenteuse visant à réduire l’impact des HAV chez les patients atteints d’une schizophrénie résistante (Dumais et Potvin, 2019). Elle utilise la réalité virtuelle comme média de simulation pour mettre la voix de l’entendeur sous forme d’avatar permettant le dialogue avec une représentation externe de l’hallucination. C’est une thérapie brève se déroulant sur 7 à 10 semaines à raison d’une séance d’une heure par semaine. Chaque séance comporte deux entretiens semi-structurés (environ 15 minutes), avant et après l’immersion du patient qui peut durer entre 5 et 30 minutes maximum. 

La thérapie AVATAR porte sur cinq objectifs thérapeutiques (Dumais et Potvin, 2019) : 

  • 1er objectif : travailler sur la réponse émotionnelle aux voix.
  • 2ème objectif : cognition des voix, où la capacité d’introspection du patient sur l’origine, le pouvoir ou encore le(s) sens de celles-ci. 
  • 3ème objectif : perception de soi via les observations/croyances du patient par rapport à lui-même.
  • 4ème objectif : stratégie d’adaptation, c’est-à-dire l’ensemble des techniques utilisées par le patient durant la thérapie.
  • 5ème objectif : souhait, portant particulièrement sur les souhaits et désirs du patient face à l’avatar quant à son futur. 

Les sept séances sont toutes enregistrés pour permettre au patient de les revisionner et se déroulent ainsi : [tiré de (Lefebvre, 2020) ; (Percie du Sert, 2017)]

N° de la séance et intitulé Contenu
1 : Création de l’avatarLe thérapeute accompagne le patient dans la création de l’avatar. Il personnifie la voix, et la morphologie. Le thérapeute est accompagnateur pour aider le patient et l’accompagner dans cette création. Le patient doit pour la séance suivante, faire une liste (sans censure) de tout ce qu’il entend de cette voix. 
2 : ConfrontationC’est la première confrontation du patient avec son avatar. Il exprime les propos rapportés par le patient, il est incité par le praticien à répondre. Il est important à ce stade, d’encourager le patient à créer un contact, à protester et exprimer ses émotions contre l’avatar en utilisant ses stratégies de défenses habituelles. L’avatar aura un ton et une expression menaçante. Il est important de mettre en avant la difficulté de l’exercice et de cette séance en félicitant le patient. 
3 : Ouverture L’avatar exprime toujours ses propos habituels, mais s’ouvre à l’échange pouvant, dès lors, créer une discussion entre le patient et l’avatar. L’avatar peut être amener à interroger le patient afin d’initier une réflexion sur la présence de cette voix, le thérapeute insiste sur l’idée qu’il faut adopter une position active face à l’avatar. 
4 : RéconciliationLe thérapeute doit tenter via l’avatar de faire comprendre au patient, le lien entre son estime de soi, les propos de la voix entendue et sa relation avec celle-ci. L’avatar prend alors une forme de soutien au patient en l’aidant dans sa réflexion et peut être amené à exprimer des excuses. Par l’acceptation de ses qualités, de ses défauts, le patient pourra petit à petit diminuer l’emprise de l’hallucination auditive. Il devra lister avec son entourage lister ses qualités/défauts pour la séance suivante. 
5 : RevalorisationRestauration de l’estime de soi du patient. Il faut le féliciter d’avoir abordé son entourage et d’avoir constitué cette liste. L’objectif de la séance va être d’accompagner le patient dans l’acceptation de ses qualités. L’avatar questionnera le patient sur pourquoi son entourage pense ça de lui. En justifiant ses qualités, le patient gagnera en confiance et créera ainsi de nouvelles stratégies de défense. L’avatar est amené à dire qu’il a sous-estimé le patient dès qu’il arrive à affirmer une de ses qualités. 
6 : RenforcementRéconforter le patient dans sa relation avec son persécuteur pour créer un sentiment de contrôle. Le discours de l’avatar sera maintenant encourageant et renforcera les qualités du patient. Il peut également manifester des signes d’inquiétude devant l’idée qu’il n’a plus le contrôle. 
7 : ConsolidationLe thérapeute s’assure des progrès du patient et qu’ils se maintiennent. Perfectionner les stratégies acquises et lui faire comprendre que ses nouvelles stratégies peuvent l’aider à faire face aux hallucinations. Faire le bilan sur le déroulement des séances. Si besoin, la thérapie peut continuer avec plusieurs séances de « consolidation », mais également l’accompagnement dans la post-thérapie pour prévenir et éviter la rechute. 
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Quelques études ont été réalisés concernant la thérapie AVATAR : 

Leff et al. (2013) ont recruté et constitué un groupe de 26 patients atteints d’une schizophrénie ayant des HAV afin d’évaluer la thérapie avatar par un essai randomisé en simple aveugle. Tous les patients bénéficiaient d’un traitement antipsychotique et d’un suivi psychiatrique. Il y avait deux groupes, un groupe contrôle (n=10) avec un traitement habituel et le groupe expérimental (n=16) avec la thérapie avatar. Ils ont effectués trois mesures principales : l’échelle d’évaluation des symptômes psychotiques (PSYRATS), les sous-échelles omnipotence et malveillance du questionnaire révisé sur les croyances concernant les voix entendues (BAVQ-R) ainsi que l’échelle de dépression de Calgary (CDS). Les résultats n’objectivent pas de changement de scores au cours des trois évaluations (Baseline, post-traitement, 3 mois après la thérapie). Le groupe expérimental, quant à lui, montre une réduction des hallucinations auditivo-verbales, d’une réduction du jugement de malveillance des voix. Trois patients ayant suivi la thérapie avatar n’avaient plus d’HAV et s’est maintenu à trois mois minimum. 

Percie du Sert (2017) retrouve des résultats similaires dans son étude réalisée auprès de 19 patients atteints d’une schizophrénie avec HAV résistante avec également trois patients ayant vu leurs HAV disparaitre. Dellazizzo et al. (2018) ont effectué une approche à cas unique avec M. Smith qui a d’abord suivi une TCC (neuf séances), puis la thérapie avatar. Il n’y a pas eu d’amélioration des symptômes psychotiques positifs durant la TCC, mais une réduction de symptomatologie négative est observée à 29%. La thérapie avatar chez M. Smith est associée à une diminution des symptômes psychotiques envahissants. 

Les résultats de ces études témoignent d’un intérêt et de bénéfices importants pour la thérapie avatar. Néanmoins, Aali, Kariotis et Shokraneh (2020) se sont penchés sur les effets de cette thérapie. Ils ont effectués une méta-analyse sur les registres d’essais du groupe Cochrane sur la schizophrénie à trois temps (décembre 2016, novembre 2018 et avril 2019) et ceux sont également intéressés aux références bibliographiques des différents rapports pour avoir accès à d’autres études avec pour critères de jugement : « changement clinique dans l’état mental, la perspicacité, l’état global, la qualité de vie, le niveau de fonctionnement ainsi que les effets négatifs et les abandons précoce de l’étude ». Sur les 14 références retrouvées, elles comportent pour la majorité un risque de biais élevé (en lien avec la méthodologie). De plus, il y a toujours dans les auteurs de l’étude l’un des fondateurs ou des auteurs avec des brevets sur celle-ci. Enfin, les auteurs mettent en avant que lorsque la thérapie avatar est comparé à un traitement habituel, elle est associée à une réduction des croyances malveillantes aux sujets des voix entendues, et sur la qualité de vie, mais ne montre pas de différence significative sur les symptômes positifs/négatifs ou sur l’anxiété. Lorsqu’elle est comparée à une psychothérapie de soutien, elle est associée à un meilleur état mental général, mais aucune différence n’est retrouvée concernant la qualité de vie. Les auteurs concluent qu’il existe des effets, mais avec une incertitude du fait des biais élevés. Il serait donc important de faire des études supplémentaires avec des cohortes plus grandes qui ne se réaliseraient pas sous la direction des pionniers de la thérapie avatar. 

Bibliographie : 

Aali, G., Kariotis, T., et Shokraneh, F. (2020). Avatar Therapy for people with schizophrenia or related disorders. Cochrane Database of Systematic Reviews. https://doi.org/10.1002/14651858.CD011898.pub2

Baddeley, A. D., et Andrade, J. (2000). Working memory and the vividness of imagery. Journal of Experimental Psychology: General, 129(1), 126-145. https://doi.org/10.1037/0096-3445.129.1.126

Bentaleb, L-A., Stip, E., et Beauregard, M. (2006). Psychopathologie et bases neurobiologiques des hallucinations auditives dans la schizophrénie. Santé mentale au Québec, 25(1), 241-257. https://doi.org/10.7202/013033ar 

Dellazizzo, L., Potvin, S., Phraxayavong, K., Lalonde, P., et Dumais, A. (2018). Avatar Therapy for Persistent Auditory Verbal Hallucinations in an Ultra-Resistant Schizophrenia Patient : A Case Report. Frontiers in Psychiatry, 9, 131. https://doi.org/10.3389/fpsyt.2018.00131

Dumais, A., et Potvin, S. (7 janvier 2019). La Thérapie Avatar. Thérapie Avatar. https://avatar-intervention.ca/

Georgieff, N. (2021). Qu’est-ce que la schizophrénie? Dunod.

Kane, J. M., et Marder, S. R. (1993). Psychopharmacologic Treatment of Schizophrenia. Schizophrenia Bulletin, 19(2), 287-302. https://doi.org/10.1093/schbul/19.2.287

Krijn, M., Emmelkamp, P. M. G., Olafsson, R. P., et Biemond, R. (2004). Virtual reality exposure therapy of anxiety disorders : A review. Clinical Psychology Review, 24(3), 259-281. https://doi.org/10.1016/j.cpr.2004.04.001

Lefebvre, A-R. (2020). Thérapies innovantes et approches relationnelles dans la prise en charge des hallucinations auditives persistantes de la schizophrénie et ultra-résistante : revue de la littérature [Thèse pour l’obtention du grade de docteur en médecine, Université de Caen]. HAL. https://archivesic.ccsd.cnrs.fr/MEM-UNIV-CAEN/dumas-02938083v1

Leff, J., Williams, G., Huckvale, M. A., Arbuthnot, M., et Leff, A. P. (2013). Computer-assisted therapy for medication-resistant auditory hallucinations : Proof-of-concept study. British Journal of Psychiatry, 202(6), 428-433. https://doi.org/10.1192/bjp.bp.112.124883

Percie du Sert, O. (2017). Psychothérapie en réalité virtuelle pour traiter les hallucinations auditives réfractaires dans la schizophrénie : un essai clinique pilote [Mémoire de master, Université de Montréal]. Papyrus. https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/20511

Nayani, T. H., et David, A. S. (1996). The auditory hallucination : A phenomenological survey. Psychological Medicine, 26(1), 177-189. https://doi.org/10.1017/S003329170003381X

Rapin, L. (2011). Les hallucinations auditives verbales et trouble du langage intérieur dans la schizophrénie : traces physiologiques et bases cérébrales [Thèse de doctorat, Université de Grenoble]. HAL. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00613573v1

Satre, D. D., Knight, B. G., et David, S. (2006). Cognitive-behavioral interventions with older adults : Integrating clinical and gerontological research. Professional Psychology: Research and Practice, 37(5), 489-498. https://doi.org/10.1037/0735-7028.37.5.489

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