Etude Scientifique

L’avis du Psy #4 : Le sentiment de présence 🫂

🕵 Définir le sentiment de présence, sous-tend l’importance de définir en amont le concept d’immersion. Le concept d’immersion peut se définir comme « une description des caractéristiques objectives d’un dispositif de réalité virtuelle » (Fuchs et Mestre, 2006, p. 309) et met l’accent sur les capacités technologiques de l’environnement. Selon Jollivet et al. (2018) il existe trois degrés différents d’immersion. On distingue ainsi « non-immersif » (e.g., un simple écran d’ordinateur) ; « semi-immersif » (e.g., un écran d’ordinateur plus grand avec une meilleure qualité) et « immersif » (e.g., un casque de réalité virtuelle). Selon Bouvier (2009), une immersion forte permet à l’individu d’être coupé de l’environnement réel. Plusieurs facteurs favorisent cet effet tels que la stimulation des sens ou encore une cohérence entre les divers stimuli. 

Le concept de sentiment de présence, quant à lui, peut se définir comme « un état psychologique caractérisé par le fait de se percevoir, d’être inclus et d’interagir avec un environnement qui fournit un flux continu de stimuli et d’expérience » selon Witmer et Singer (1998, p. 227, notre traduction). Il permet de créer une impression « d’être » dans l’environnement virtuel. Ce concept évolue, la définition de Witmer et Singer marque notamment les débuts de son étude, avec une confusion entre le sentiment de présence et l’immersion (Slater, 1999). Cette confusion se retrouve encore aujourd’hui et induit un manque de consensus sur la définition du sentiment de présence (Schuemie et al., 2001). Slater et Wilbur (1997) proposent de voir le sentiment de présence comme un état de conscience en lien avec l’immersion, mais où la présence régit des réponses autonomes et comportementales de plus haut niveau. Ce sentiment est souvent confondu avec le concept d’immersion. Le sentiment de présence serait participant-dépendant (la capacité du participant à ressentir l’environnement virtuel comme réel) ; tandis que l’immersion serait dépendante des caractéristiques de l’outil (liée à la machine). Plusieurs facteurs favorisent ce sentiment, tel que par exemple l’interaction avec l’environnement (Welch et al., 1996). Des facteurs plus « subjectifs » peuvent également avoir un effet comme la présence d’éléments clés (araignée chez une personne phobique) où un environnement de mauvaise qualité sera jugé comme réel (Lecouvey et al., 2012). Ce sentiment est un élément important dans le processus thérapeutique induit par la réalité virtuelle parce qu’il mobilise le vécu anxieux chez le patient et permet de le prendre en charge en situation d’exposition. Tout l’objectif de la réalité virtuelle réside dans la création d’un sentiment « d’être » dans un environnement. Ce concept souvent oublié, apporte pourtant grand bénéfice à la thérapie. Par exemple, celui-ci favorise le transfert des compétences acquises dans l’environnement virtuel à des situations quotidiennes (Viaud-Delmon, 2007) tout comme il pourrait favoriser l’efficacité d’une prise en soin (Price et Anderson, 2007). Ainsi, la notion de présence amène le thérapeute à envisager la thérapie en réalité virtuelle comme une thérapie « embodied » plus qu’une simple exposition (Levy et al., 2017).

Dans le traité de la réalité virtuelle, Fuchs (2006) évoque quatre facteurs clés qui serait modulateur du sentiment de présence : 

  • Psychologique : l’individu a-t-il le sentiment d’être dans l’environnement
  • Environnemental : l’individu perçoit-il les objets comme réels ?
  • Action : l’individu peut-il agir sur l’environnement ? Est-ce qu’il imagine pouvoir agir et que ses actions aient un impact ? 
  • Social : l’individu perçoit-il d’autres personnes dans l’environnement ? Est-ce qu’il considère pouvoir interagir avec eux ? 

Selon la littérature, d’autres facteurs peuvent influencer le sentiment de présence et ainsi favoriser ou défavoriser l’individu de le ressentir de manière plus ou moins importante. Il est possible de catégoriser ces facteurs sous deux caractéristiques : psychologiques (liés à l’individu) et environnementales (liés à l’environnement virtuel/outil), soutenant la définition de la présence comme étant une réponse psychologique à l’immersion, tel que résumé dans le tableau ci-dessous. 

Tableau. Facteurs influençant le sentiment de présence

Caractéristiques liés à l’individuCaractéristiques liés à l’environnement/outil
Présent d’éléments phobogènes  : araignée (Lecouvrey et al., 2012)Être actif (Riches et al., 2019)Expériences vécues (Riva, Davide, et IJsselsteijn, 2003). Interaction avec l’environnement (Welch et al., 1996)Stimulation sensorielle (Steuer, 1992)Temps de réponse de l’environnement (Ellis et al., 1997)Représentation du corps (Slater et Usoh, 1993)

Références bibliographiques : 

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Ellis, S. R., Breant, F., Manges, B., Jacoby, R., et Adelstein, B. D. (1997). Factors influencing operator interaction with virtual objects viewed via head-mounted see-through displays : Viewing conditions and rendering latency. Proceedings of IEEE 1997 Annual International Symposium on Virtual Reality, 138-145. https://doi.org/10.1109/VRAIS.1997.583063

Fuchs, P., Moreau, G., Berthoz, A., et Vercher, J.-L. (2006). L’homme et l’environnement virtuel (3e éd.). École des mines de Paris.

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