L’avis du Psy #11 : La Neuropsychologie 3.0
En 2011, Bilder a écrit un article sur ce qu’il nomme la « Neuropsychologie 3.0 », faisant un état de l’évolution de la pratique neuropsychologique. La neuropsychologie « est la discipline qui traite des fonctions mentales supérieures dans leurs rapports avec les structures cérébrales » (Hécaen et Lanteri-Laura, 1983). Elle est née au chevet des patients souffrant d’une pathologie cérébrale (Eustache et al., 2023).
Dans son article, Bilder établit une évolution de la neuropsychologie, en expliquant qu’elle est sur le point de connaître des transformations majeures dans ses concepts et ses méthodes, grâce aux avancées en neuroimagerie, à la théorie psychométrique et aux technologies de l’information.
L’évolution de la neuropsychologie
Pour comprendre cette révolution, il est essentiel de passer en revue les différentes phases de développement de la neuropsychologie. La Neuropsychologie 1.0, qui s’étendait de 1950 à 1979, marquait le début de l’étude des relations entre le cerveau et le comportement. À l’époque, les évaluations cliniques se basaient largement sur des interprétations subjectives et manquaient de données normatives solides.
La Neuropsychologie 2.0, débutée dans les années 1980, a vu l’avènement de l’imagerie cérébrale, ce qui a révolutionné la recherche en neuropsychologie. Les normes de mesure se sont améliorées, et l’accent a été mis sur la psychométrie pour garantir la validité des évaluations. Cependant, la discipline était toujours principalement centrée sur des données de groupe, ce qui limitait son potentiel de personnalisation.
Aujourd’hui, nous envisageons la Neuropsychologie 3.0, qui repose sur une intégration plus étroite de l’information scientifique, de la génomique et de la technologie.
L’ère de la Neuropsychologie 3.0
Elle est notamment marquée par une innovation technologique. Les évaluations informatisées et basées sur le web peuvent permettre une collecte de données plus rapide et plus précise, tout en utilisant des approches de mesure modernes. Elles permettent également la mise en commun des résultats et des connaissances, engendrant un changement de paradigme.
La réalité virtuelle est un bon exemple de la neuropsychologie 3.0 : en utilisant des environnements virtuels, les neuropsychologues peuvent créer des tâches cognitives spécifiques pour évaluer les fonctions cérébrales. Les avantages sont nombreux :
- Personnalisation des évaluations : le neuropsychologue peut concevoir des évaluations sur mesure. Placer un patient dans un environnement du quotidien simulant une tâche du quotidien pourrait permettre d’étudier de manière qualitative les difficultés réelles.
- Collecte de données en temps réel : une observation qualitative en direct des réactions permet une analyse plus riche.
Il est assez courant en neuropsychologie de retrouver un décalage entre les résultats psychométriques et les difficultés réelles du patient dans son quotidien. Azouvi et al. (2001) expliquent que les tests cognitifs ne reflètent pas forcément toujours la réalité telle que la transcrit le patient. D’un côté, le bilan cognitif classique permet d’apporter des données sur le fonctionnement cognitif, mais pas sur la réalité du quotidien. Tandis que le bilan écologique permet de cerner les difficultés au quotidien, mais n’apporte que peu d’informations sur la quantification des capacités cognitives par des scores. Dès lors, les tests neuropsychologiques sont-ils à bannir ? En vérité, tout dépend de l’objectif du bilan cognitif réalisé. Il serait finalement, dans un monde idéal, d’avoir des résultats à la fois quantitatifs et qualitatifs (Silverberg et Millis, 2009).
En conclusion, la réalité virtuelle représente un outil prometteur pour la neuropsychologie 3.0. Elle offre des avantages écologiques permettant une évaluation plus fine et plus représentative des capacités exécutives des usagers (Parsons, 2015 ; Khorrow-Pour, D.B.A., 2015). Cette évolution vers des méthodes plus modernes et basées sur la technologie ouvre de nouvelles perspectives passionnantes pour la neuropsychologie.
Bibliographie
Azouvi, P., Didic-Hamel Cooke, M., Fluchaire, I., Godefroy, O., Hoclet, E., Le Gall, D., … Pillon, B. (2001). L’évaluation des fonctions exécutives en pratique clinique. Revue de Neuropsychologie, 11, 383–434. Researchgate
Bilder, R. M. (2011). Neuropsychology 3.0 : Evidence-Based Science and Practice. Journal of the International Neuropsychological Society, 17(01), 7‑13. https://doi.org/10.1017/S1355617710001396
Eustache, F., Faure, S. & Desgranges, B. (2023). Chapitre 1. Histoire et domaines de la neuropsychologie. Dans : , F. Eustache, S. Faure & B. Desgranges (Dir), Manuel de neuropsychologie (pp. 15-57). Paris: Dunod.
Hécaen, H., & Lanteri-Laura, G. (1983). Les Fonctions du Cerveau. Psychological Medicine, 13(4), 940‑940. https://doi.org/10.1017/S0033291700051801
Khosrow-Pour, D.B.A., M. (Éd.). (2014). Encyclopedia of Information Science and Technology, Third Edition: IGI Global. https://doi.org/10.4018/978-1-4666-5888-2
Parsons, T. D. (2015). Virtual Reality for Enhanced Ecological Validity and Experimental Control in the Clinical, Affective and Social Neurosciences. Frontiers in Human Neuroscience, 9. https://doi.org/10.3389/fnhum.2015.00660
Silverberg, N. D., & Millis, S. R. (2009). Impairment versus deficiency in neuropsychological assessment : Implications for ecological validity. Journal of the International Neuropsychological Society, 15(1), 94‑102. https://doi.org/10.1017/S1355617708090139