Etude Scientifique

L’avis du Psy #3 : Réalité virtuelle et séniors en EHPAD pendant le confinement 🥽🌍

Le contexte sanitaire a entraîné un confinement strict au sein des EHPAD durant la période du printemps 2020. Cette crise sanitaire a aussi entraîné une majoration du stress perçu et des vécus dépressifs par les résidents mettant en avant l’importance de développer des nouvelles techniques thérapeutiques non médicamenteuses. En ce sens, cette étude a été réalisée au sein de deux EHPAD du département du Haut-Rhin situés à Richwiller (68) et Bantzenheim (68).

Pour en savoir encore plus :

Méthodologie
Population
– 15 résidents (12 femmes et 3 hommes) ont été recrutés au sein des deux EHPAD. Ils étaient âgées de 75 à 100 ans (moyenne 87.68 ; écart-type 8.57 ; âge médian 90). Les participants sont divisés en deux groupes :

Les groupes sont appariés sur les critères suivants : score au MMSE entre 15 et 29 sur 30 (moyenne 21.60 ; écart-type 3.85 ; score médian 22), indiquant l’absence de démence ou des troubles démentiels modérés. Au niveau clinique, les participants verbalisent un discours pris de tristesse avec ou sans idées de mort au moment du confinement. L’homogénéité des groupes a été vérifiée par un test de Mann-Whitney via les scores au pré-test, l’analyse ne démontre pas de différence significative confirmant l’homogénéité entre les groupes à ce niveau de l’étude. 

  1. Procédure

Le groupe EXP a bénéficié de 8 séances de voyages virtuels avec un temps consacré au voyage thérapeutique suivi d’un entretien de 20 minutes avec une psychologue. La durée du visionnage est entre 3 et 7 minutes. Le groupe CTL a uniquement bénéficié du suivi psychologique de 20 minutes avec une psychologue. 

8 séances de voyages sont proposées aux participants, 7 voyages inédits et le dernier étant choisi par le participant pouvant revoir son voyage préféré. Les voyages proposés sont les suivants : Les Calanques, L’Île Tatihou, Le Canal du Midi, Nîmes, L’Abbaye du Mont-Saint-Michel, Paris en bateau mouche, et Le Château Normand. L’ordre des voyages et le rythme des prises en soins sont choisis en fonction du résident et de son état. Au sein du groupe EXP, quatre participants ont effectué les voyages sur les 8 séances définis, deux sur 9 semaines et un sur 12 semaines. Au niveau du groupe CTL, les entretiens ont été décalés en fonction de la disponibilité des participants. Dès lors, deux participants ont eu un suivi sur 8 semaines, un sur 10 semaines, un sur 11 semaines et quatre sur 12 semaines. 

  1. Matériel

L’ensemble des participants ont eu une série de questionnaires en pré-tests (T0) durant les trois semaines avant le début de la prise en soins et en post-tests (T1). Les questionnaires étaient les suivants : Geriatric Depression Scale GDS (Yesavage, 1988) mesurant la présence et le niveau de dépression chez la personne âgée (5-12 = dépression légère ; >12 = dépression sévère). L’inventaire de détresse péritraumatique IDP (Brunet et al., 2001) mesurant la présence du critère A du syndrome de stress post-traumatique selon le DSM-V via une échelle de Likert allant de 0 « pas du tout » à 4 « extrêmement vrai » (>15 = détresse significative ; max =52). La Perceived Stress Scale version 10 (Cohen et al., 1983) items permettant de mesurer le degré de stress perçu par la personne via une échelle de Likert de 1 « jamais » à 5 « très souvent ». 

Le groupe EXP a eu deux questionnaires supplémentaires : lors de la phase pré-test, il a été administré l’échelle de propension à l’immersion PI (Witmer et Singer, 1998) mesurant le degré de propension à l’immersion dans un environnement via une échelle de Likert allant de 1 (par exemple « jamais) à 7 (par exemple « souvent »). Les items 6, 9 et 14 ne furent pas administrés (relatifs à l’utilisation de jeu vidéo). Lors de la phase post-test, les ressentis de l’utilisateur sont évalués à travers le questionnaire sur l’état de présence EP (Witmer et al., 2005) mesurant le degré de réalisme que le participant attribue à l’expérience (« réalisme »), la sensibilité de l’environnement aux actions de la personne (« possibilité d’agir »), le degré d’examen visuel possible (« possibilité d’examiner »), à quel point les résidents se trouvaient compétent dans l’utilisation de l’outil (« auto-évaluation de la performance »), des questions relatives aux sons présents (« auditif »). La sous-échelle « haptique » et « qualité de l’interface » n’ont pas été administrées. 

Une approche qualitative a également été administrée via l’utilisation d’entretien psychologique avec une observation qualitative des stratégies de coping illustrées dans le discours des résidents et leurs évolutions au cours de la prise en charge. 

  1. Résultats
    1. Approche quantitative

 Un test statistique non paramétrique de Mann-Whitney a été réalisé via le logiciel R afin de comparer l’évolution des deux groupes. Aucune différence significative ne fut constatée pour les scores de dépression (GDS), de détresse péritraumatique (IDP). Cependant, l’analyse statistique met en avant une différence significative pour la mesure de stress perçu (PSS10) avec un p<0.01. Il y a également une différence significative pour la perception de débordement (p<0.05) dans la comparaison pré et post-tests au sous-item de la PSS10. Les données statistiques se trouvent dans le tableau suivant : 

Tableau 1. Médiane, statistique et p-value obtenues à partir des mesures de groupes aux différents questionnaires quantitatifs.

Un test statistique non-paramétrique de Mann-Whitney-Wilcoxon a été réalisé pour chacun des groupes comparant les résultats avant la prise en charge (T0) et après la prise en charge (T1) permettant une exploration intragroupe. Au sein du groupe EXP, l’analyse statistique montre des différences significatives entre T0 et T1 pour les scores de dépression (GDS), de détresse péritraumatique (IPD), de stress perçu (PSS10), ainsi que pour l’ensemble des sous-items de l’IDP et de la PSS10. Au sein du groupe CTL, il n’y a pas de différence significative constatée, sauf pour le questionnaire de l’IDP et son item Emotion Dysphorique. Concernant les questionnaires exclusifs au groupe EXP, aucune corrélation n’a été constatée entre les mesures de propensions à l’immersion et d’état de présence. 

Tableau 2. Comparaison de l’évolution intragroupe des scores aux questionnaires.

  1. Approche qualitative

L’analyse clinique est résumé dans le tableau ci-dessous : 

Tableau 3. Résultats qualitatifs de l’observation clinique de la teneur des discours des séniors du groupe expérimental et du groupe contrôle, après l’intervention. 

  1. Conclusion

Les auteurs concluent que la prise en charge par les voyages immersifs et les entretiens psychologiques ont permis aux résidents de réévaluer moins négativement l’expérience vécue durant le confinement strict et les émotions liées. L’intervention en réalité virtuelle apparaît comme ayant eu un bénéfice thérapeutique pour les résidents concernant la perception de leur état psychique. Les résultats mettent en avant l’impact non négligeable sur le vécu dépressif et de stress de séniors institutionnalisés. 

Études réalisés par : Valentin BECK et Amélie WEISS